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SARAJEVO 84

A Sarajevo, ville enclavée dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine, il est possible de rejoindre les installations olympiques construites pour les Jeux d'Hiver organisés par la ville en 1984. 

Cette année-là, Sarajevo se présentait et montrait avec fierté sa culture foisonnante aux téléspectateurs du monde entier.

Surnommée à l'époque "La Petite Jérusalem", Sarajevo était un des ces lieux de conflits perpétuels entre Orient et Occident, avant de devenir un symbole de fraternité entre les peuples Slaves du Sud. Ce brassage particulier entre les populations bosniaques, croates, et serbes, procurait aux habitants ce sentiment d'être Sarajévien avant tout. 

 

Février 1984, Sarajevo organise ce dernier moment d'union des peuples yougoslaves avant l'effondrement de la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie. 

Ironie du sort, la ville deviendra quelques années plus tard la scène originelle d'une sanglante guerre fratricide.

Avril 1992, la Bosnie-Herzégovine déclare son indépendance et sa capitale Sarajevo se fait encercler sur les hauteurs par les armées serbes jusqu'en février 1996.

 Trois années de bombardements, de meurtres au fusil sniper, et de tortures psychologiques d'une population innocente.

 

Depuis, la ville a disparu des téléviseurs.

 Les cimetières ont proliféré sur les collines et les souvenirs du passé fraternel se dissolvent peu à peu, pendant que les ballets des voitures diplomatiques continuent de se fondre dans le décor urbain scarifié.

Il est impossible pour l'Etranger de passage à Sarajevo de ne pas être rappelé par la souffrance de la ville assiégée, de sa population prise au piège et torturée à la vue du monde entier.

Etranges sensations sur le macadam d'une ville martyre oubliée.

Une douloureuse frustration transpire dans les mots teintés d'ironie de ses habitants, résignés à souffrir en silence face à un système politique désormais régi par les égoïsmes nationalistes et les absurdités ethniques.

Une société dans laquelle les devoirs de mémoire se mêlent aux traumatismes de guerre ; terreau fertile pour les manipulations subtiles à base de ce fameux mélange entre nationalisme, religion, et corruption. 

L'Amour des Sarajéviens pour leur ville embrasse désormais le dégoût et la lassitude pour leur pays mort-né. 

Il y a 25 ans, le sablier s'est arrêté et l'horizon s'est figé.

L'espoir dans un avenir meilleur est mince, tandis que les rires et les chants populaires continuent de résonner derrière les murs balafrés:

"Sarajevo, Mon Amour"

La ville olympique a bel et bien disparu, mais au-delà du drame, il reste l'espoir que Sarajevo 84 devienne bien plus qu'un souvenir sous-vide d'une ville yougoslave où il faisait bon vivre.

L’expérience de ce vivre-ensemble semble avoir gravé à jamais un destin à cette ville, un avenir encore inatteignable : l'écriture des premières pages d'une société bosnienne débarrassée des carcans de l'Identité, comme libérée des griffes du passé.

 

Merci à tous ces Sarajéviens dont l'analyse sanguine et la réflexion feraient pâlir n'importe quel chantre du nationalisme. 

Sanin et Snezana, mes deux premières premières bouteilles à la mer à mon arrivée. L'écrivaine Lejla Kalamujic pour ses clefs de compréhension de la société bosnienne. Davor et Sabrina, mes voisins qui m'ont raconté leur passé et leur quotidien. Le réalisateur Nenad Dizdarevic, qui m'a permis de plonger dans cette Yougoslavie méconnue, au fond du comptoir de ce bar caché Avenue du Maréchal Tito. Goran, fier d'avoir les trois communautés dans son sang. Alen et ses mots symboles d'une jeunesse bosnienne prise en étau entre survie et rêve d'émigration.

Merci à tous les autres qui n'apparaissent pas sur les photographies.

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